L’aube d’une nouvelle révolution québécoise?

L’horizon se dessine pour 2018, qui sera à mon avis un moment charnière dans l’histoire politique du Québec. Dans le dernier numéro de L’Actualité, Gabriel Nadeau-Dubois présentait son analyse du blocage de la société québécoise, avec le besoin d’arrimer le projet de pays avec «des changements sociaux réels et concrets», en «s’appuyant sur une large mobilisation sociale», à l'instar de «l’impressionnante de Bernie Sanders aux États-Unis qui nous donne des pistes à suivre».

De l’autre côté, Mathieu Bock-Côté faisait un portrait tout aussi pessimiste de la situation, mais en mettant l’accent sur le déclin de la nation à l’ère «du métissage, de la diversité, de la mondialisation, du féminisme ultra». Pour «assurer la survie du Québec» et «sauver les meubles», il proposait comme piste de solution un «programme nationaliste qui passerait par une diminution notable des seuils d’immigration, par une politique de convergence culturelle et par un renforcement de la loi 101 sur tous les plans». Si nous regardons les récentes sorties de François Legault et Jean-François Lisée, il semble bien que la CAQ et le PQ ne font qu’accentuer ce virage nationaliste-conservateur qu’ils ont entamé depuis un bon moment pour tenter de résoudre la «crise identitaire» de la société québécoise.

Or, pourquoi troquer le «conservatisme économique» du Parti libéral pour un «conservatisme moral et culturel» qui s’enracine dans une vision nostalgique de la pré-Révolution tranquille? Si la nouvelle Grande noirceur règne au Québec depuis deux décennies par les dogmes du déficit zéro, de l’austérité et du tout-au-pétrole, pourquoi remplacer les prêtres de l’orthodoxie économique par les prêtres surannés de la catho-laïcité?

Après le flop de PKP qui a échoué à relancer le mouvement souverainiste, la gauche indépendantiste sort ses premières cartes : Gabriel Nadeau-Dubois, Jean-Martin Aussant, et une équipe d’une dizaine de personnes qui feront une tournée partout au Québec «pour nous remettre en marche». Si on ne connaît pas tout le jeu de GND, on peut deviner sa stratégie : ne pas proposer un programme politique préfabriqué, mais une «plateforme de convergence citoyenne», un projet politique qui sera élaboré démocratiquement à l’extérieur des partis existants. À l’instar des «plateformes de confluence municipale» des mairies indignées en Espagne, il ne s’agit pas de négocier des ententes électorales entre les exécutifs des appareils de partis, mais de jeter les bases politiques d’un projet de société par une coalition démocratique d’acteurs et de mouvements sociaux, à laquelle viendront se greffer les partis qui partagent ces principes. Je soupçonne que les Cinq chantiers anti-austérité de l’IRIS, les protagonistes du manifeste Élan global, et d’autres personnalités influentes de la société civile seront de la partie.

À l’heure du discrédit des partis politiques qui semblent trop souvent embourbés dans leur logique interne et organisationnelle, cela apparaît comme le meilleur moyen de relancer un large mouvement post-partisan pour 2018, qui sera capable de mobiliser au-delà de ce que Québec solidaire pourrait espérer à lui seul. Les promesses inaccomplies de 2012 pourront alors prendre forme et opérer un changement majeur par une série de réformes radicales sur le plan institutionnel. Sommes-nous à l’aube d'une nouvelle Révolution tranquille ? Il est trop tôt pour le dire. La bataille ne fait que commencer, mais je crois que quelque chose devient possible à une échelle que la gauche québécoise n’avait jamais imaginée jusqu'à maintenant.

Post-scriptum sur la lutte qui vient

La révolution est un processus historique complexe, où le «moment politique» ne constitue qu’une expression partielle mais déterminante d’un changement social, économique et culturel plus profond. Même avec la meilleure «équipe du tonnerre» du gouvernement Lesage, le Québec est devenu ce qu’il est devenu grâce aux luttes indépendantistes, ouvrières, féministes, contre-culturelles, urbaines et rurales qui cherchaient à radicaliser le processus d’émancipation au-delà de la construction de nouvelles institutions publiques et de la simple gestion étatique. Que ce soit les comités citoyens, les groupes populaires, les garderies autogérées, les cliniques communautaires ou les Opérations Dignité, tous ces mouvements sociaux cherchaient à reprendre directement en main le contrôle sur leurs conditions d’existence, leur corps, leur milieu de vie, leur travail et leur territoire. Ils ont créé une myriade d’organisations autonomes qui sont devenues par la suite les entreprises d’économie sociale, CLSC, CPE et Centres locaux de développement qui forment «l’architecture de la société civile» du Québec moderne, laquelle est actuellement attaquée par les gouvernements de la Grande noirceur qui se sont succédé depuis vingt ans et qui enfoncent la société dans la logique néo-coloniale du capitalisme oligopolistique.

Aujourd’hui, ce sont les luttes autochtones, étudiantes, écologistes, antiracistes et anti-austérité qui reprennent du poil de la bête, avec une foule d’initiatives citoyennes, d’expérimentations collectives, d’innovations sociales et d’expériences de transition qui pavent la voie du Nouveau Québec dont les «pleurnichards de la Nation perdue» sont incapables de voir naître sous leurs yeux. Le futur ne viendra pas du rêve éveillé du populisme nationaliste et conservateur, mais d’un mouvement multidimensionnel, dense, complexe et véritablement populaire qui est déjà en marche. Celui-ci ne se construira pas magiquement par une poignée de vedettes, bien qu’une nouvelle «équipe du tonnerre» pourrait déblayer la voie, chasser les crapules qui nous gouvernent et donner un élan aux initiatives qui transforment déjà le monde. C’est pourquoi il serait absurde de s’asseoir sur son divan et regarder passivement sur son fil Facebook les nouvelles élites politiques ascendantes remplacer tranquillement les vieux politiciens désuets de l’ancien monde. La nouvelle révolution ne sera pas tranquille. The revolution will not be televised.

Commentaires

  1. Salut Jonathan,

    On ne se connait pas, mais je te lis à l'occasion. J'aime bien ce que tu écris et les idées nouvelles que tu proposes. Je partage avec toi plusieurs idées dont l'autogestion, le municipalisme, la démocratie directe, le revenu de base, l'économie sociale, l'écosocialisme, la décroissance, etc.

    Je suis d'accord avec l'idée que l'indépendance politique passe par l’exercice de la souveraineté populaire. Il faut intéresser et mobiliser les forces vives citoyennes et, l'idée d'une plateforme de convergence citoyenne pour créer un mouvement populaire sont des idées essentielles et porteuses (même si la "démocratie représentative" joue ici, le rôle de verrou).

    Cependant, j'ai un bémol sur la façon dont tu plantes les choses... Si la dialectique est l'art d'atteindre une forme de vérité au moyen de la discussion, de la confrontation des opinions et de la mise à l'épreuve des idées, on peut dire que la mise en porte-à faux dualiste de certains courants se rapprochant plus d'archétypes (que de courants pluriels) que tu évoques, mène finalement à peu de chose... La fable du gentil gauchiste qui embrasse les "nobles causes" vs le méchant conservateur nationaliste passéiste...C'est exactement ce qu'il faut transcender je crois, et non pas alimenter... Dans cette optique le clivage (qui ressemble à du "gauche-droite") que tu proposes me semble vain et surtout contre productif. Je pense sincèrement qu'il est possible de conjuguer pluralité et identité. De préserver de large pans de notre histoire et de nos traditions et tout en réussissant l'intégration des nouveaux arrivants... Je vais arrêter ici, mais tu comprends l'idée. Si on veut jouer le jeu de la dualité, je préfère de beaucoup opposer l'horizontalité complexe (démocratie directe et tout ce que ça implique) à la verticalité simple (oligarchie et mondialisation), comme vecteur de compréhension pour induire des changements.

    Également, je t'invite à voir/lire ces documents (plus bas) pour peut-être, te faire une autre idée de ces "mythistoires", que sont la Grande Noirceur et la Révolution Tranquille...
    Lire - Au-delà des faits : la Grande Noirceur et la Révolution tranquille en tant que mythistoires - http://histoireengagee.ca/?p=5807
    Voir - Lucia Ferretti - La "Grande Noirceur", mère de la Révolution tranquille? - https://youtu.be/FtLiuRDFjAM

    L'important aujourd'hui - à mon sens - est tout aussi bien de savoir ce qui peut être préservé que ce qui peut être (re) conquis, une sorte de "conservatisme de gauche progressif, revendicateur et visionnaire en même temps..." si on veut...

    Bonne continuité ! Au plaisir de te lire à nouveau, L.

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  2. EN 1974,CE FUT LA TRAHISON DU PREMIER MINIGTRE DU CANADA DU TEMPS MONSIEUR PIERRE-ÉLLIOT TRUDEAU LE PÈRE DU PREMIER MINISTRE DE CE JOUR MONSIEUR JUSTIN TRUDEAU.VOUS N'APPROUVEREZ PAS CES DIRES,CAR JE SAIS QUE JERAI CENSURER,ALLEZ AUX INFORMATIONS DE 1974,L'ACCORD QUE LA BANQUE DU CANADA A PASSÉ DE CACHETTE DE MÈME QU'AVEC LES PROVINCES D'UN OCÉAN Â L'AUTRE ET NOUS VERRONS ENSEMBLE OÙ SE TROUVE LE PROBLÈME ÉCONOMIQUE,INFORMEZ LA POPULATION VITE ET BIEN.QUE LES BANQUES CESSENT DE FAIRE DE L'ARGENT AVEC NOTRE ARGENT,VÉRIFIEZ ET VOUS VERREZ.

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